Bouira, Raffour : Ville, village ou simple bourg …

Bouira, Raffour : Ville, village ou simple bourg …

Encore quelques manques, mais beaucoup d’acquis pour les Iwakouren. À Raffour il fait bon vivre à l’ombre des cimes majestueuses du Djurdjura.

Iwakouren, c’était ce douar enfoui en plein cœur de la chaîne de montagnes du Djurdjura et c’est aujourd’hui cette paisible agglomération se trouvant a l’entrée de la haute vallée de la Soummam sur l’axe routier Alger- Bejaïa, plus exactement sur la route nationale numéro 15 à quelque quarante-cinq kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Bouira.

Tout usager de cette route ne peut s’empêcher de marquer, ne serait-ce qu’une halte rapide, à Raffour pour faire un achat dans les nombreuses belles boutiques bordant la route ou siroter un café dans ces établissements accueillants.

Tamourth-Oouzemmour- (Pays de l’olive)

Cette agglomération, grandissant à pas de loup, se trouve dans la commune et daïra de M’Chedallah, sur les terres dites – Tamourth-Oouzemmour- (Pays de l’olive). Raffour comme on aime à l’appeler officiellement a été créée en 1956 après que l’arch Iwakouren, composé de deux grands villages, -Thadarth Thamokrant-Ighzer Iwakouren- fut pilonné par l’artillerie coloniale en guise de représailles à de multiples actions patriotiques et aux fins de couper toutes les relations entre les moudjahidine et les populations civiles , surtout qu’au sein de cette contrée les activités partisanes étaient très développées, et selon certains témoignages concordants, l’Armée de libération nationale y avait même installé un hôpital militaire de campagne. L’on rapporte aussi , par des témoignages concordants, que c’est en ces lieux que la moudjahida Malika Gaid est tombée en héroïne.

Les habitants furent alors déplacés vers la plaine pour être très contrôlables et corvéables à merci. Ainsi un village de toile voit le jour et c’est ce qui donnât dans le jargon local l’appellation de «Letoile».

Entassés sous ces tentes puis dans des cellules construites dans le cadre du fameux plan de Constantine, les Iwakouren (habitants de ce douar) durent résister et vivre dans une promiscuité indescriptible jusqu’en 1962, après quoi leurs espoirs furent énormes pour prétendre soit à la reconstruction de leurs villages respectifs détruits par l’occupant ou alors pouvoir bénéficier d’une habitation décente parmi celles innombrables laissées vacantes par le colon parti. Ce qui ne fut guère le cas sauf pour, peut-être, certains. Ceci pour l’histoire.

De belles choses à Raffour

Aujourd’hui à Raffour il y a de l’eau courante et même les anciennes conduites en amiante-ciment sont en phase de remplacement car elles sont cancérigènes, de l’électricité avec le déplacement de la ligne de moyenne tension qui pendait au dessus des têtes des citoyens comme l’épée de Damoclès et même le gaz naturel en alimentation assez récente a touché tous les foyers.

Les aménagements urbains suivent leurs cours, quelque cent vingt logements collectifs sont en chantier. Un centre de formation, une agence postale et tutti quanti.

Du travail aussi il semble ne pas trop en manquer car ces habitants ont la débrouillardise dans le sang, enfin un semblant de vie moderne existe car l’actuel wali de Bouira semble accorder un intérêt particulier à cette localité, mais le plus gros problème demeure celui du foncier.

L’éternel problème du foncier

Toute la «ville» se trouve érigée sur des terres qui appartenaient à des colons et donc devenues biens vacants à partir de 1962.

A ce jour aucune régularisation n’est effectuée pour que les terrains sur lesquels vivent les Iwakouren leur soient attribués légalement. Même si des tentatives ont eu lieu elles n’ont abouti à rien de concret. Une illégalité persistante.

Aucun habitant n’est propriétaire de l’assiette sur laquelle se trouve bâtie sa demeure, qui le plus souvent est somptueuse.

Il est utile de signaler aussi que sur ces mêmes terres trois lotissements de plus de deux cents lots à bâtir ont été créés et vendus avec tout ce que la procédure exige en terme d’actes de propriété. C’est subséquemment donc une opération réalisable.

Cette situation reste inexpliquée malgré l’existence d’une panoplie de textes réglementaires et de loi qui traitent de la cession des biens de l’État et de la régularisation de situations semblables, ceci en faisant fi de la prescription acquisitive dans laquelle une durée de quinze années et plus est bien explicitée.

Ici à Raffour il s’agit de « 48 » ans exacts sans que les citoyens puissent en bénéficier. Est-ce les deux poids et deux mesures ?

Respect de l’environnement pour credo

Il y a lieu également de signaler qu’à Raffour la majorité des constructions, ayant remplacé la fameuse «cité», n’ont pas agressé le côté urbanistique, ce qui d’ailleurs a bien facilité la réalisation de différentes servitudes et alimentations diverses et évacuations.

Que demande le peuple à Raffour ? Que les services techniques publics compétents, chargés du secteur, puissent procéder à la régularisation de tout ce beau monde qui soit dit en passant est prêt à payer «le prix du sang» bien entendu à condition que les montants ne soient pas hors de portée en considérant cela comme une vente récente aux prix coûtants des terrains et en oubliant tous les préjudices subis lors des déportations avec toutes les souffrances endurées et les pertes en vies humaines.

Ce n’est qu’ainsi et seulement ainsi que les Iwakouren pourront enfin voir une reconsidération, sentir un regain d’intérêt et d’égards en goûtant, quelque peu, à une réparation même tardive. Maux vaut tard que jamais……

Par : Lounis Ou- Si-Amer